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une porte : elle aperçut un fort cheval de coupé bai-brun, de robe luisante. À côté, une remise contenait un trois-quarts et une victoria.

Elle eut une commotion telle qu’elle en demeurait muette. À la fin, elle s’abattit sur la poitrine de son mari. Ses yeux étaient humides. Tout de suite elle étrenna son attelage par un tour à travers la ville.

La joie de cette nouveauté se maintint plusieurs semaines. Elle inventait des courses qui nécessitaient l’arrêt de la voiture devant les grands magasins. Elle se levait brusquement au milieu d’une visite en s’excusant :

— Vous me pardonnerez, j’ai mon coupé en bas et mon cheval s’impatiente, il est si ardent !

Son chiffre s’étalait, bleu et jaune. Elle trouvait au cocher, très correct en la livrée mastic qu’elle avait choisie, un aspect décoratif. Un coussin capitonnait la banquette du fond. Une peau de bête servait de couverture. Elle connut ce qu’elle appelait les raffinements du luxe.

La réorganisation de sa maison requit toute sa vigilance. L’exemple de Mme  Ramel, à Nice, avait fortifié ses aptitudes déjà remarquables, de bonne ménagère. Elle vérifia les comptes de cuisine inscrits durant les mois que son mari avait mangé seul. Elle fut indignée de cet examen.