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dable de sa maladie sur son cerveau, avaient usé les ressorts de son énergie morale. Elle n’aspirait qu’au repos. Quand elle tricotait des bas de laine, elle ne concevait pas de plus charmante distraction. Quand elle se chauffait au soleil, nulle volupté ne lui semblait meilleure. Elle évitait ce qui pouvait l’entraîner à une seconde de souci, ou seulement l’obliger à un assemblage de réflexions. Calculer, combiner, distribuer d’avance ses journées en fractions dont chacune aurait eu son but marqué, tout cela l’eût épuisée comme un travail au-dessus de ses forces. Elle ne voulait pas prévoir les actes qu’elle accomplirait le lendemain. La minute à venir contenait moins de félicité que la minute présente.

À ce régime, que lui dictait un juste sentiment de bonheur, elle trouva la tranquillité, seul baume capable de cicatriser les plaies de son âme. Elle goûta la quiétude des pensées et le calme des rêves.

Un spectacle pourtant lui suggéra de menues méditations.

Elle remarquait souvent au Casino, une jeune femme, blonde, jolie, élégante, entachée, à ses yeux, d’une excentricité trop tapageuse, qu’elle comparait au genre de Mme Berchon. Cette dame affichait des allures indépendantes. Des hommes lui parlaient. Elle riait. Elle tenait son ombrelle