Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/298

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Vingt minutes après, le second arrivait. Elle lui mesurait sa part d’entrevue, puis le congédiait avec une excuse analogue. Ainsi du troisième.

— Un vrai salon de consultation, ricanait M. Lesire, que Mme Chalmin régalait de ses confidences, on s’y succède ; l’avantage, c’est qu’on n’attend pas.

De ce « sanctuaire » elle écarta les messieurs de son monde et tous ceux dont elle se supposait connue. Les élus comptèrent parmi la population flottante, représentants de commerce, voyageurs, capitaines de navire, artistes en tournée. Des gens en résidence, elle n’accepta que les professeurs, les officiers ou bien les individus d’un autre milieu que le sien, petits bourgeois, commis de magasin, boutiquiers, clercs de notaire.

N’habitant Rouen que depuis son mariage, ne se tolérant aucune allure excentrique, elle n’avait pas l’incommode notoriété d’une Rouennaise. En outre de faux noms déguisaient sa personnalité, et diverses fables, appropriées à chacun, dépistaient la malveillance.

Ce fut un bizarre défilé des types les plus disparates. Il y eut un Suédois, un ténor, un sous-préfet, un prêtre défroqué, un manchot, et tout cela pêle-mêle, au hasard des rencontres.

Le seul prix de ces intrigues, d’ailleurs, résidait dans les contrastes. Envisagées séparément,