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Deux hommes s’arrêtèrent. Et l’un formula :

— La poitrine est trop basse.

Le jugement était si net, si affirmatif, que Lucie l’accepta. Elle fut atterrée. Mais bientôt son orgueil se redressait et comme André la rejoignait, elle l’apostropha durement :

— Pourquoi m’as-tu baissé la poitrine, c’est idiot, la mienne est à la vraie place.

Elle attendit la fermeture, en déambulant devant son portrait, car elle voulait assister, jusqu’à la minute suprême, à ce qu’elle appelait l’apothéose de son corps.

Le soir, Mme Ramel et sa fille allèrent au théâtre, puis rentrèrent se coucher. L’exaltation de Lucie persistait, comme une ivresse dont les dernières fumées troublaient l’ordre de sa pensée. Il lui fallait des yeux d’homme, des yeux encore où luirait un éclair d’admiration, des lèvres qui chanteraient ses louanges, des mains qui frémiraient au contact de sa peau.

Ces dames occupaient deux pièces continues. On entendait les ronflements de Mme Ramel. Lucie verrouilla la porte de communication et se glissa dehors.

Rue Royale, un monsieur l’abordait. Elle l’amena dans sa chambre.

Elle ne sut jamais son nom.