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— Non, vrai, tu t’es imaginé… de l’argent à moi… à moi…

Le lendemain elle devança l’heure assignée. À peine entrée, elle s’écria :

— Voyons, franchement, à qui penses-tu avoir affaire ? À une cocotte ?

Comme il hésitait, elle narra son histoire, d’une voix sincère, un peu émue.

Toute jeune, un homme la débauchait. Chassée par sa famille — une famille riche, d’origine noble — puis délaissée par son amant, elle gagnait sa vie comme maîtresse de piano. Le père d’une de ses élèves s’amourachait d’elle. « Que veux-tu, l’existence était dure, je mangeais souvent du pain sec dans ma chambrette, je m’échignais à payer mon terme ; j’ai succombé. Il est gentil pour moi, ne me surveille pas trop, et, ma foi ! je m’amuse. »

Il lui posa des questions relatives aux hommes qu’elle recevait, au genre d’amies qu’elle se tolérait. Elle fit des réponses précises, restant toujours dans la note juste de son rôle. Elle agrémentait sa conversation de termes quelquefois risqués, jamais vulgaires comme ceux d’une fille. L’accent était commun, non trivial, les gestes hardis, non canailles.

Lucie garda de M. Duclos une impression très favorable. L’officier, lui, vanta souvent à ses camarades de garnison la petite femme « le-