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Elle sourit, la bouche narquoise :

— Ne te plains pas, mon cher, tu es enchanté.

— Moi, enchanté ! enchanté de tromper mon meilleur ami ! Mon Dieu, non. Et je m’accoutumais bien à votre absence.

Il eut tort de vanter son repos. C’était une offense gratuite au charme de Lucie. Elle n’admit pas qu’un homme distingué par elle goûtât une quiétude inconvenante. Ses remords, en outre, offraient un spectacle trop affriolant pour qu’elle s’en privât.

— Alors, c’est fini, tu refuses ta Lucette ? (Elle lui avait suggéré ce nom, dont Pierre se servait.)

Déjà elle retirait son vêtement et déboutonnait son corsage. Mais il lui empoigna l’épaule, et, la figure blême, frémissant de colère contenue, il lui dit :

— Écoute, Lucie, tu as abusé de ma faiblesse, j’ai été lâche parce qu’il t’a plu de me faire lâche, et aujourd’hui encore tu t’apprêtes à m’affoler de ta chair. Seulement, vois-tu, j’en ai assez, et puisqu’il n’y a pas moyen de me défendre, je te chasse, je te chasse comme une fille que tu es, la dernière des filles.

Et de son étreinte invincible, il la poussa dehors, sur le perron. Derrière elle, il ferma la porte. Elle entendit le bruit du verrou.