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mains sur les épaules, la tête inclinée vers lui, elle modula d’un ton plaintif :

— Et si je vous aimais, Armand, si je ne pouvais plus taire la tendresse qui m’étouffe, seriez-vous implacable ?

Le désespoir du malheureux après la chute édifia Lucie sur le prix de son triomphe.

Elle fut si contente qu’elle ne put garder pour elle-même un tel secret. Elle y fit participer Javal. Pierre eut des accès de passion ardente, ce qui disposa Lucie à le tromper de nouveau. Mais à chaque fois elle devait vaincre les scrupules de Boutron.

Il la suppliait :

— Ne revenez pas ici. Je vous assure que, loin de vous, je n’ai ni amour ni désir, et ce n’est que votre présence qui me rend faible.

Elle se désolait :

— Je ne peux pas, c’est infâme, je t’aime, moi, j’ai soif de tes lèvres, accorde-moi cela seulement.

Il l’embrassait et succombait.

Elle sentit sa douleur si réelle qu’elle résolut de la tempérer. Elle avoua qu’un autre homme l’avait déjà détournée du droit chemin. La figure d’Armand s’éclaira.

Ce moyen lui réussissant, elle s’en servit d’une manière plus complète. Dès qu’il exprimait un regret, elle lâchait une confidence.