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— Que tardez-vous ? Êtes-vous décidé ? Si oui, agissez, sinon, ne la compromettez pas.

Robert parcourait la pièce où s’agitait ce grave débat. Son attitude marquait un effort de méditation. Sa vie se jouait en cette minute suprême. Le ménage l’observait, respectueux. Enfin il s’écria, le geste résolu :

— Eh bien, soit, agissez !

Le soir même, M. Bouju-Gavart écrivit à madame veuve Ramel :

« Chère madame, j’aurai l’avantage de me présenter demain à votre domicile, vers deux heures… »

Et à l’heure fixée, en effet, M. Bouju-Gavart muni de son habit, se dirigea vers la rue de Crosne et fut introduit dans le salon. Au bout de quelques minutes, madame Ramel entra.

Elle tirait de son abord glacial et de ses gestes étriqués une renommée de distinction suprême. Son silence cachait sa nullité. Causant peu, elle semblait penser beaucoup, et ses rares paroles acquéraient une importance d’oracles. On la considérait comme une femme du plus haut mérite.

Épouse fidèle, mère dévouée, chrétienne irréprochable, elle s’arrogeait le droit, en vertu de ces perfections, de juger les autres sévèrement. Les moindres faiblesses la trouvaient impitoyable.