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Trois, puis quatre, puis cinq jours défilèrent. Elle ne trouvait rien et commençait à désespérer. Le sixième, en achetant des parfums chez un coiffeur, à la nuit tombante, elle rencontra un vieux monsieur qui lui tendit la main.

C’était un ami des Bouju-Gavart, M. Lesire, riche industriel des environs. Sa figure, entièrement glabre, présentait deux lèvres épaisses. Des cheveux d’un blanc sale entouraient sa tête. Lucie avait toujours fui l’insistance gênante de ses yeux.

Dans la rue, il glissa son bras sous le sien et ils causèrent amicalement. Il marchait avec peine, vite oppressé, trop gras. Un ventre puissant le précédait.

Au moment d’arriver, il s’enhardit. Ses doigts pétrirent le poignet de Lucie, montèrent le long du bras jusqu’à l’aisselle, sans qu’elle feignît de le remarquer. En la quittant il insinua d’un ton paternel :

— Moi, Madame, je suis franc, je saisis toutes les occasions d’obliger. Eh bien, je sais ce que c’est qu’une jeune femme, élégante, jolie ; la toilette coûte cher, le mari n’a pas le moyen, enfin on a toujours besoin d’argent. Adressez-vous à moi, cela me fera plaisir.

Elle répliqua crânement :

— Ma foi, pourquoi pas ? Justement j’ai fait la bêtise de me payer un bracelet…