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mal payée, négligeait de faire les lampes : elle les faisait, elle, et se salissait les mains à toucher l’huile et les mèches. Il fallait une cause bien puissante pour l’obliger à subir de tels inconvénients. Cette cause c’était l’amour.

Elle aimait tant, qu’elle ne crut pas nécessaire de s’offrir des remords. Elle aurait dû se reprocher ses écarts et ses souillures. À quoi bon ? Le passé existait-il, maintenant que les baisers de Pierre la lavaient de ses taches ? Comment eût-elle pu se préserver contre la tentation, elle que ne guidait aucun sentiment ferme ?

— Et puis, se dit-elle, honnête encore, je ne serais pas entre ses bras.

Cet argument tranquillisa sa conscience.

Ils s’entendaient bien, Lucie très aimante, lui doux et gentil de rapports. Un solide lien de chair les unissait.

Elle savoura quelques semaines de béatitude absolue. Nul souci ne troublait le calme de son âme. Elle ne pensait qu’à Pierre. Elle ne vivait qu’en sa présence.

Un soir, au théâtre, elle l’aperçut dans une baignoire avec une femme. Il se penchait vers elle familièrement. Leurs visages étaient proches.

Le coup fut terrible. Elle prétexta un malaise subit. Robert l’emmena désolé.