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Les deux scènes eurent lieu le même jour. À tous deux elle dit :

— Eh bien ! oui, là, c’est mon amant, je suis libre, n’est-ce pas, et je n’aime pas qu’on me tracasse.

Parrain recouvra son ancienne passion et, tout en pleurnichant, la cingla d’outrages grossiers. Paul lui expliqua, en termes insolents, son immense dédain.

Lucie, elle, ne comprit rien à leur colère. Comment osaient-ils lui reprocher sa conduite, alors qu’ils en bénéficiaient ? Que leur importaient ses actes cachés, si elle répondait exactement à ce qu’ils réclamaient d’elle ? C’eût été si simple de s’entendre, d’accepter les choses irréparables et de se confectionner une bonne existence tranquille et méthodique.

Les deux Bouju-Gavart furent réfractaires à ce plan de conciliation. Ils exigeaient une fidélité absolue. Le vieux n’admettait pas que son fils le supplantât. Paul en appelait à sa jeunesse et raillait les rides et la moustache teinte de son père. Lucie perdait la tête. Elle tenta de rompre la chaîne. La situation empira, l’un et l’autre croyant au triomphe de son rival.

Ils se guettaient, l’œil méchant, attentifs aux moindres gestes de leur maîtresse. Aux repas, et le soir en famille, ils mendiaient ses faveurs, non par affection, mais par taquinerie réci-