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Sa confiance était telle qu’elle ne conçut aucune crainte quand M. de Sernaves lui annonça une absence momentanée. Des affaires l’appelaient à Paris. En réalité, sauf les heures où elle venait, il s’ennuyait mortellement. Les soirées étaient fastidieuses. Elle répondit :

— Va, mon cher Gaston, tu me retrouveras comme tu m’as quittée.

Elle était aussi sûre de lui que d’elle-même.

Le matin du départ, le prétexte d’un bain lui permit de sortir de bonne heure. Elle courut embrasser M. de Sernaves une dernière fois. Il lui glissa une lettre :

— Tu la liras plus tard, ce sont mes recommandations.

Et il l’étreignit tendrement.

Le yacht s’éloigna avec une allure lente. Longtemps Lucie marcha parallèlement à lui. Debout, la tête nue, les doigts aux lèvres. Gaston la regardait s’avancer de son pas bien rhythmé. Elle, du manche de son ombrelle, lui envoyait des baisers innombrables. Ils se perdirent de vue.

Alors elle ouvrit la lettre. Elle contenait quelques lignes de rupture à peine motivées. Il l’aimait trop, et d’une façon trop exclusive, pour accepter ces rendez-vous furtifs et ces cachotteries humiliantes. Il eût voulu braver l’opinion et s’agenouiller devant elle à la face du monde.