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Elle s’éloigna. Mais déjà la foule s’inquiétait d’elle et observait ses gestes. Des hommes la suivirent, notamment Paul Bouju-Gavart qui remorquait une mendiante en haillons. Il semblait un peu gris. Il lui lança d’une voix pâteuse :

— Eh ! la femme du monde, t’as donc une tache de vin sur la joue ?

Elle s’approcha de lui :

— Souviens-toi de Mme  Ferville.

Il eut un sursaut. Son ivresse se dissipait, et il balbutia :

— Toi, ici ? Eh bien, et Robert ?

Elle l’interrompit :

— Tais-toi donc, tu vas me compromettre. Si j’ai besoin de ton secours, je t’appellerai.

Une gaîté secouait les nerfs de Lucie. L’atmosphère chaude l’étourdissait. Verdol l’ayant menée au buffet, elle vida deux flûtes de Champagne. Ses idées devinrent moins précises. Elle eut l’imprudence de raconter à son cavalier, au sujet de leurs relations mutuelles à Rouen, certains détails qui le convainquirent de sa situation sociale. Il s’en ouvrit à ses amis.

Dès lors elle fut l’objectif de la salle entière. On organisa des danses autour d’elle et l’on vociférait :

— Ohé ! la femme du monde !

Elle parvint à se dégager, vagabonda dans