Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/205

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Ça, c’est Chaussette, cette boulotte que tu vois, là-bas, en chatte blanche ; elle change d’amants comme un homme de chaussettes. On ne lui a jamais connu d’entreteneur attitré. C’est un fiacre qu’on loue à la journée.

« Voici Joséphine Gallet, en Diane. Assez risqué le décolletage. D’ailleurs, qu’importe, elle eût pu se promener toute nue ici, sans que le spectacle fût nouveau pour aucun des spectateurs.

« La Sapho, c’est Jeanne, pas belle, mais agréable. Bonne mère de famille. Le Monsieur qui l’escorte, ce grand maigre à l’aspect de cadavre, lui verse mille francs par mois (chiffre énorme à Rouen) pour laisser croire qu’il est encore capable d’aimer.

« Tu remarqueras, ô femme du monde, combien tes congénères du demi, ici, sont vilaines et disgracieuses. Ainsi contemple ces deux sœurs, Alice la boutonneuse et Cécile la joufflue, sont-elles assez laides ? Et Julia Coton, ainsi nommée parce qu’elle essaie de combler les vides de sa nature ? Et Sarah Belli, la danseuse des Arts, qui n’a de bien que ses jambes, et tout le reste abominable ? »

Cette revue divertissait Lucie. Elle goûtait une jouissance bizarre à se sentir dans ce milieu vicieux, parmi ces femmes, vendeuses de leur corps. Elle souhaitait de causer avec elles,