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À peine jetait-elle une excuse, de son air ingénu : « Un homme marié ça ne compte pas… c’est drôle, le mari d’une amie, ce n’est plus un homme pour vous. »

Elle le gourmandait : « Dites donc, vous me paraissez bien froid, ce n’est pas si vilain cependant, vous pourriez vous fendre d’un compliment. » Et elle désignait ce qu’il fallait louer avant tout, la blancheur et le grain de sa chair, la courbe de sa nuque, l’exiguïté de son poignet. Elle avait toujours soin, en ôtant son corsage, de le déposer près de lui, pour que l’irritât sa tiède odeur de femme. Elle s’enquit de son parfum préféré et s’en imprégna. De la chambre voisine où elle essayait les modèles, elle lançait des exclamations de joie. Souvent elle rentrait, entourée d’une couverture de voyage, d’un simple drap, ou vêtue d’un de ses costumes à lui. Le pantalon étriqué moulait ses jambes. Son cou, nu, émergeait du veston.

Ayant tiré d’une malle une robe de soirée défraîchie, elle l’échancra d’un coup de ciseaux, s’en habilla furtivement et, priant Henriette de jouer une valse, tendit le bras à M. Berchon. Son buste entier semblait surgir. Elle rayonnait d’une beauté puissante.

Ils dansèrent. Aussitôt il s’aperçut, à sa taille qui ployait libre d’entraves, qu’elle n’avait point de corset.