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animale, sans rêves ni désirs. Elle s’engourdissait dans une langueur qui reposait ses membres et son cerveau. Tout incident l’effrayait, capable de troubler cette somnolence béate. Elle n’eut d’ailleurs pas à fuir l’hommage des hommes : son extérieur, se modifiant avec ses dispositions, ne le provoquait point.

Cela dura des semaines. Chalmin que l’extension de ses affaires avait obligé à louer un local plus vaste, rue de Crosne, restait à Rouen pour surveiller l’aménagement de ses nouveaux magasins et n’arrivait que le samedi soir.

Ses baisers suffisaient à Lucie.

En ses rares instants de méditation, elle croyait fermement qu’elle persévérerait dans cette attitude. L’ère du mal était close. Elle ne s’en affligeait ni ne s’en réjouissait.

Un matin, en entrant au salon de lecture du Casino, elle heurta presque Mme Berchon. Elles s’arrêtèrent net, embarrassées l’une et l’autre. Puis Henriette, bravement, tendit la main.

— Ça fait du bien de se revoir, dit l’une.

La seconde répliqua :

— C’est vrai, le hasard vous divise, mais à la première occasion on se rapproche.

Puis elles s’adressèrent des excuses mutuelles. Mme Chalmin allégua la sévérité de Robert en ce qui concernait ses relations. Henriette, à son tour, prétexta :