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Deux semaines plus tard, Lucie recevait poste restante une lettre où Lemercier l’avertissait de son retour et lui fixait un rendez-vous. Elle hésita d’abord. Une pudeur singulière la révoltait contre ce partage. Cela fut de courte durée. La perspective de cette double intrigue et des complications qui en résulteraient, la séduisit beaucoup au contraire. Elle en discerna vite le côté pittoresque. Au jour assigné, elle fut exacte.

De notables voluptés la récompensèrent de cette résolution. Ayant commencé par diviser sa semaine en deux parts égales dont elle réservait l’une à Lemercier, et l’autre à parrain, elle abandonna ce système d’une monotonie trop pesante. L’imprévu la tentait. Elle obligea ses deux amants à l’attendre journellement, de telle heure à telle heure. Elle, elle choisissait.

Le plus souvent elle se décidait dehors, à la dernière minute. De la rue Verte, le tramway la menait rue Jeanne-d’Arc, en face de la Tour Saint-André. Là elle se consultait. Irait-elle à droite chez le vieux, ou à gauche chez le jeune ? Son cœur se taisait, sa chair aussi. Seuls des motifs futiles la guidaient, sans que jamais elle les analysât.

Il lui arriva même, en un moment d’embarras pénible, de flâner dans le petit jardin Saint-