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D’abord les phrases banales, articulées d’une voix tendre, fluèrent, les phrases préparatoires, destinées à rassurer la femme et à l’engourdir. Puis vinrent les compliments plus directs, l’hommage non déguisé d’un amour qui se cache encore, les exclamations admiratives sur la forme du pied, sur la finesse de la jambe, enfin ce qui constitue la première attaque. La période des menues faveurs et des mélancolies succéda : « Mettez-vous donc à l’aise, vous devez étouffer sous ce manteau. Et vos gants ? » Il lui prenait les doigts et les baisait l’un après l’autre.

— Quelle chose affreuse de ne vous être rien, pas même un ami, vous qui m’êtes tout déjà. Vous m’aurez accordé une minute de votre existence, et cette minute décide de mon existence entière, à moi.

Et il supplia :

— Lucie, ce jour béni n’aura-t-il pas de lendemain ?

Elle ne répondit pas, la poitrine oppressée, le regard languissant. L’instant se prêtait à une déclaration. Il se déclara. Et son : « Je vous aime, Lucie, ô ma Lucie, je t’aime » eut les modulations lentes, désespérées, passionnées, que nécessite un aveu efficace.

Elle se pelotonna, toute frémissante. Jamais encore on ne lui avait dit ces mots avec tant d’émotion.