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affluèrent, la fable se construisit, la légende s’établit. Depuis son mariage, parrain la poursuivait. Elle riait d’abord de cet amour, puis essayait de le guérir par sa patience et sa fermeté. Hélas ! le mal empirait. Parrain menaçait de se tuer. Affolée, elle se résignait à un rendez-vous. Il s’y révélait d’une brutalité monstrueuse, et dans la crainte d’un scandale, elle se laissait prendre.

— Vous ne vous doutez pas de mon écœurement, je suis là ainsi qu’une morte, toute pâle.

Elle regardait fixement, immobile, comme si l’affreux spectacle se fût déroulé devant elle.

Apitoyée, Mme Bouju-Gavart murmura :

— Pauvre petite, ce qui t’a manqué, c’est un guide sûr, des conseils clairvoyants. Ta mère est trop loin de toi, ton mari est aveugle, le mien t’a corrompue.

Et comme Lucie hochait la tête d’un air découragé, elle l’empoigna par le cou, et l’embrassant violemment :

— Eh bien, c’est moi qui te dirigerai parmi les écueils de la vie. Obéis-moi. Remets entre mes mains ta destinée. Je te sauverai, ma fille, je serai ton refuge, ton soutien, celle qui t’indiquera la voie droite et te gardera des pièges des tentations.

Le pacte fut conclu dans un transport généreux. Chaque jour on devait se voir. Chalmin