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distribuée par doses régulières. Il n’oublia rien.

Lucie se prêtait à ses caprices avec une docilité paisible. Elle éprouvait du plaisir, en simulait beaucoup, mais ce plaisir était moins physique que moral. Elle s’amusait. Chaque nouveauté lui procurait une gaieté naïve, le saisissement joyeux d’un enfant à qui l’on donne un jouet inconnu.

Dès son entrée, elle s’écriait :

— Eh bien, parrain, quoi, aujourd’hui ?

Le vice la passionnait, bien que ses nerfs n’en fussent nullement ébranlés. Et encore ne l’aimait-elle pas pour lui-même, mais pour elle par satisfaction personnelle. L’important n’était point de savourer une sensation neuve, mais de ne plus l’ignorer. Une force mystérieuse, en quelque sorte le sentiment d’un devoir à accomplir, la poussait. Il fallait savoir.

Et elle s’en allait de là, calme et légère, le corps à l’aise, l’âme propre, sans que la pensée d’une dégradation quelconque l’effleurât.

Elle rentrait, et, le soir, en baisant au front son fils endormi ou en prenant place auprès de Robert, elle songeait avec une volupté douce, dans la paix de son ménage, aux caresses étranges de la journée.

Aussi, malgré l’effroi de M. Bouju-Gavart, elle revint assidûment. Tant de choses, d’ailleurs, la conviaient rue Saint-Georges depuis le péril