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prêta sans entrain. La veille, Robert l’avait menée au théâtre. Ses paupières papillotaient. Mal disposée, elle redoutait le froid du dehors. Un bon feu brûlait. Elle s’assit, ferma les yeux et s’assoupit.

À son réveil, quatre heures sonnaient à la pendule. Elle tressauta. C’était l’heure fixée. Aussitôt elle réfléchit qu’en se pressant elle arriverait pour les adieux. Mais une torpeur invincible paralysait ses membres. Elle grelottait. Le feu s’était éteint. Alors elle se dit :

— S’il m’attend, il peut bien m’attendre encore.

Elle alluma un fagot et le couvrit de bûches. La flamme pétilla, réconfortante. Les minutes s’enchaînèrent. La nuit vint. Et Lucie ne bougeait pas, les coudes sur les genoux, la tête sous le manteau de la cheminée, l’esprit engourdi, vide de pensées.

Il s’ensuivit une de ces périodes d’apathie que traversent les femmes, où elles négligent leur toilette, errent de tous côtés, débraillées, en savates et en peignoir sale. Elle mangeait aux repas, dormait au lit, et le reste du temps bâillait et geignait. Elle entreprit l’éducation de René, acheta un alphabet pourvu d’images, mais fut si vexée que son propre fils ne pût pas lire après une première leçon, qu’elle le punit et le jugea d’intelligence médiocre.