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productif qu’on pourrait commettre en levant un doigt. Un mot, et le lendemain, sur l’heure même, elle se donnait. Ce mot, il n’osait le dire.

Le Russe prolongea son séjour jusqu’à la limite permise. Mais les dernières semaines se traînèrent, monotones. Lucie manqua plusieurs rendez-vous. Elle commençait à se fatiguer de lui. Il lui manifestait une affection trop servile. Comment s’attacher à un homme qui baise la poussière de vos souliers ?

Par contraste, elle rêvait d’un maître dont elle subirait le joug, et elle pensait plus à cet être imaginaire qu’à son amant actuel. Elle était lasse de ces amours fugitives. L’intérieur d’une voiture, la chambre nuptiale ouverte à tout venant, la boutique d’un forain, cela ne lui suffisait plus. Certains de ses désirs ne trouvaient pas ainsi leur réalisation. On prenait son corps, on ne l’admirait point. Maintenant qu’elle connaissait la volupté défendue, au fond toujours pareille et décevante, il lui fallait des joies d’un autre ordre. Son orgueil surtout réclamait ses droits.

Sans le savoir, elle aspirait à quelque chose de plus régulier et de plus stable, de plus prosaïque et de plus commode, une sorte d’adultère plus conjugal.

Le jour où partait Markoff, il voletait des flocons de neige. Son déjeuner fini, Lucie s’ap-