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La foire touchait à son terme. Un jour, arrêtant sa filleule au milieu du boulevard, il lui lança :

— Markoff va s’en aller ; toi, que feras-tu ?

Elle chantonna :

— Bah ! j’en prendrai un autre.

— Et après ?

— Un autre encore.

Il lui tordit le bras si violemment qu’elle en gémit.

— Et moi, jamais ?

Elle éclata de rire, puis soudain, sérieuse, répliqua lentement :

— Vous ?… Vous ?… Eh bien… quand vous voudrez.

Cette réponse l’étourdit et, le cerveau trouble, incapable de la suivre, il la regardait s’éloigner, se perdre dans l’ombre avec la grâce onduleuse de sa silhouette et le balancement rythmé de son buste sur ses hanches.

Dès lors, il l’évita. Une suprême fois, il essaya de se soustraire à sa domination. Il avait peur de cette chair qui dévorerait la sienne, peur d’une liaison où sombrerait toute son énergie, où ne lui serait épargnée nulle bassesse, peur de cette femme, de sa duplicité, de son inconscience, de son égoïsme, peur d’en pleurer, peur d’en mourir. La possibilité de l’avoir l’effrayait, comme un crime tentant et