guisait une angoisse continue. Un fait insignifiant lui devenait agréable, dès qu’elle l’avait suffisamment travesti. Un fait en tous points imaginé lui semblait un exploit dont elle s’enorgueillissait.
Avec le Russe, cet instinct perfide s’exerça d’une autre manière. Pour lui comme pour Amédée, elle embellit son existence. Ne pouvant prétendre entre ses bras à une vertu austère, elle se confectionna un passé romanesque. Elle l’éblouit par des aveux où retentissaient des noms de nobles, d’hommes publics, de mondains célèbres, d’artistes en vogue.
La passion de Lemercier, enjolivée, idéalisée, lui fournit une séance. Celle du musicien de Dieppe, transformé en compositeur génial, remplit la seconde. La troisième fut consacrée à Richard dont elle fit un gros commerçant méridional.
Danègre aussi et « parrain » défilèrent, l’un sombre figure énigmatique et terrifiante, l’autre brûlé de désirs, hâve, amaigri, pitoyable.
Et tout cela coulait naturellement, paisiblement, comme l’eau d’un fleuve. Les mots et les anecdotes lui venaient sans qu’elle les cherchât. Elle débitait ses exagérations comme d’autres énoncent des vérités, sans plus de honte ni de rougeur, sans même se douter de sa fourberie.
Elle aimait, sur les coussins de Markoff, ces