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— Tiens, voilà de l’argent, dépense-le à la guise.

De rares promeneurs erraient. Des nuages lourds écrasaient la ville. L’un d’eux creva, et la jeune femme se réfugia sous l’avancement en planches qu’offrait la boutique de Markoff. Il fit preuve d’une complaisance inépuisable. Il déballa toutes ses peaux de bêtes, dépouilles avariées de martres, de zibelines, de renards, d’ours, de marmottes. Et à chaque exhibition, il affirmait d’un air convaincu :

— C’est joli, ça !

Même il la jugea digne d’admirer un tas d’objets achetés un peu partout et qu’il réservait aux amateurs, des ceintures à clous d’argent, des broderies roumaines, des sabres japonais, des cristaux de Damas, des carabines, des mors, des étriers.

Quand il eut bouleversé son magasin, l’averse continuait, furieuse. Il eut un geste désolé :

— Pauvre madame !

Alors, pour la distraire, il se mit à causer de son pays, de sa femme, de sa demeure dont il expliqua la forme et la disposition. Il raconta ses voyages. Il décrivit de lointaines cités auxquelles il donnait des noms inconnus. Et il employait un jargon bizarre, hérissé de locutions incorrectes, compliqué de mots étrangers, pleins d’images pittoresques et naïves.