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nutes. Puis il avançait d’une voix mesurée une opinion qui empruntait à cette sobriété de paroles une importance décisive.

Il avait en ville une clientèle peu nombreuse, mais fidèle. En général, son mutisme effrayait le malade. Il ignorait ou dédaignait les mots qui réconfortent, qui adoucissent la brûlure des plaies et font accepter l’ennui des convalescences. De plus, on lui reprochait de vivre à l’écart. On ne le voyait que seul, ce qui, en province, inquiète toujours.

Lucie croyait aveuglément en lui. Cette confiance se manifestait même d’une manière si évidente que le docteur devint moins farouche. Outre ses diagnostics, il émit quelques principes sur la façon d’élever les enfants, quelques autres sur le traitement de la fièvre scarlatine, d’autres enfin sur les questions médicales qui se présentaient à eux. Mme  Chalmin, flattée, l’esprit ailleurs, ripostait par des exclamations effarées : « Ah ! vraiment ?… Je ne me doutais pas de cela. »

Il s’établit entre eux des rapports agréables. Leurs conversations perdirent souvent de leur caractère technique, ils échangeaient des idées selon le gré des circonstances, avec abandon du côté de Lucie et réserve chez Danègre.

Un jour, elle bavardait, assise devant lui, la taille ployée, les coudes sur ses genoux, le