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Alors, ne sachant quelles paroles prononcer, ils se baisaient. Ils se baisaient indéfiniment, comme s’ils eussent espéré surprendre ainsi un peu de leur existence, un peu de leur pensée.

Lui, marmottait de temps en temps :

— Oh ! Lucie… ma Lucie… chère Lucie !

Elle, une seule fois, tant ce nom lui déplaisait, répliqua :

— Cher Amédée.

Il feignit un violent accès de gratitude :

— Merci, mon adorée, merci de votre amour… moi, je vous aime comme un fou !

Ses désirs devenaient impérieux. Il dégrafa son corsage. Elle ne se défendit pas, avide d’admiration. Mais la quittant soudain, d’un mouvement sec il arrêta Bichon, inspecta rapidement les abords de la route, colla son œil à la lucarne de la capote, et s’abattit à genoux en bredouillant :

— Oh ! ma Lucie, nous sommes seuls, seuls !

Une stupeur la paralysa. Elle ne s’attendait point, en réalité, à cette tentative. Pourtant, l’idée ne lui vint pas d’une résistance. Elle s’abandonna.

Une pile de cartons s’écroula sur elle. Le bec d’une canne lui meurtrissait les reins. Puis Bichon, las de cette halte, se mit à trotter. Amédée jurait. Et tout cela lui sembla si comique qu’elle éclata d’un rire nerveux.