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ce que je vois, moi, directement, puisque je suis tourné vers la fenêtre, vous y êtes ?

— Oui, je vois la glace et la fenêtre… Le carreau du bas à gauche, n’est-ce pas ?

— C’est ça. On a pratiqué un trou dans ce carreau, vous le voyez ?

— Oui, et je distingue quelque chose qui bouge un peu.

— Ce qui bouge c’est le canon d’un fusil qui passe à peine et que dirige vers moi quelqu’un se trouvant au dehors. Tenez, voyez au-dessus de la glace cette panoplie. Il y manque un fusil, un fusil à acétylène, dont la détonation ne fait aucun bruit.

— Et qui donc vous vise ?

— Maffiano sans doute… « Le Sauvage »… ou tel de ses complices réputé pour son adresse. Ne bougez pas d’un centimètre. Hé ! Patricia… Vous n’allez pas vous évanouir ?

— Aucun danger… Mais vous ?

— Moi, c’est de la volupté. Silence, Patricia. Allumez une cigarette. Comme ça la fumée cachera votre pâleur. L’homme vous épie, mais ne se croit pas vu. Maintenant, écoutez-moi. Vous allez vous lever paisiblement et monter au premier étage. Ma chambre est en face sur le palier. Dans ma chambre il y a un appareil de téléphone automatique. Vous demanderez le 17 : Police-Secours. Dites qu’on envoie ici, 23, avenue de Saïgon, d’urgence cinq ou six hommes. Tout cela très bas. Et puis sans vous inquiéter de Victoire qui est en sécurité au second, vous vous bouclerez dans la chambre, vous fermerez les volets des fenêtres, vous barricaderez la porte et vous n’ouvrirez à personne… à personne !

— Et vous ? demanda Patricia avec une angoisse dans la voix.

— Moi, n’ayant plus à vous défendre, je me tirerai d’affaire. Allez, Patricia. »

Et, tout haut, il prononça :

« Chère amie, vous avez eu une journée très fatigante. Si j’ai un conseil à vous donner, c’est d’aller dormir. Ma vieille nourrice vous indiquera votre chambre.

— Vous avez raison, répondit tranquillement Patricia. Je suis fourbue. Bonsoir, cher ami. »

La jeune femme se leva avec un naturel parfait et sans hâte quitta la salle à manger.