Page:Leblanc - Les Milliards d'Arsène Lupin, paru dans L'Auto, 1939.djvu/50

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Tu sors ?

— Oui, Horace Velmont, unique descendant d’une ancienne famille de navigateurs français, émigrés au Transvaal, et qui s’y est enrichi par les plus honnêtes procédés, se rend ce soir à la grande fête annuelle du banquier Angelmann. Laisse-moi m’habiller et me faire une beauté, ma vieille !

À dix heures et demie, Horace Velmont arrivait devant le luxueux immeuble du faubourg Saint-Honoré, qui abrite, à la fois, la banque Angelmann et les appartements du banquier. Ayant passé sous la voûte, entre les corps de bâtiments réservés aux bureaux, il pénétra dans la cour bordée par les ailes réservées à l’habitation et qui se prolonge par la pelouse d’un de ces beaux jardins qui s’étendent jusqu’aux Champs-Élysées.

Deux vélums étaient tendus au-dessus de cette cour et de cette pelouse. Tout le fond était occupé par une foire avec chevaux de bois, balançoires, attractions de toutes sortes, baraques d’exhibitions de phénomènes, rings réservés à la boxe et à la pittoresque lutte libre. Dans ce cadre éblouissant de lumière, des centaines de personnes se pressaient. Trois orchestres et trois jazz faisaient rage.

Dès l’entrée, Angelmann recevait ses invités. Jeune encore sous ses cheveux blancs, la figure nette et rose, l’air photogénique d’un financier américain de cinéma, il avait échafaudé sa situation sur la base solide de trois faillites supportées avec art, honneur et dignité. Non loin de lui, se trouvait sa femme, la belle madame Angelmann, comme l’appelaient ses innombrables admirateurs.

Horace serra les mains du banquier.

« Bonjour, Angelmann. »

Angelmann répondit avec d’autant plus d’amabilité qu’il semblait incapable de mettre un nom sur ce visage.

« Bonjour, cher ami, comme c’est aimable à vous d’être venu ! »

Le cher ami esquissa le mouvement de s’éloigner, puis revint sur ses pas et lui dit à voix basse :

« Sais-tu qui je suis, Angelmann ? »

Le banquier réprima un tressaillement et répondit du même ton :