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son cou, comme un fétiche bienfaisant, le sifflet d’argent qu’il lui avait donné. À la moindre alerte, elle l’appellerait et il viendrait, elle en était sûre…

Dès lors, rassurée, elle put vivre tranquille pendant le reste du voyage. Rien ne se passa. Comme le Sauvage, le Sauveur demeurait dans l’ombre impénétrable où elle le cherchait.

À l’arrivée, sur la passerelle du débarquement, en face de laquelle elle se posta, aucun signe ne lui permit d’identifier, parmi les passagers quittant le bord, l’un ou l’autre de ces hommes qui tenaient tant de place dans sa mémoire, l’un sinistre, vulgaire et redoutable, avec sa passion tenace, brutale et hardie ; le second, déterminé, amical et si puissant que, sûre de lui, elle n’avait plus peur de rien, puisqu’il avait promis de la secourir et de la défendre.

Les projets de Patricia s’appuyaient sur le raisonnement suivant :

La grande et secrète entreprise de James Mac Allermy avait décidé celui-ci à faire un voyage en France. Donc, le Sauvage, son assassin — oui, on n’en pouvait douter — voulait, lui aussi, gagner la France, autant pour se mettre à l’abri des poursuites de la police new-yorkaise, que pour continuer l’affaire commencée qu’il voulait confisquer à son profit. Sans doute, ayant quitté le bateau clandestinement en Angleterre, tenterait-il de passer en France par une autre voie. Au Havre, Patricia, donc, loua une auto, se fit conduire à Boulogne, puis à Calais, afin de surveiller les débarquements de Grande-Bretagne.

En fin de journée, à Calais, un individu, vêtu d’un large raglan, coiffé d’une casquette enfoncée et le bas du visage enfoncé dans un cache-nez gris, franchit la passerelle. Sa main droite tenait une lourde valise. Sous le bras gauche, parmi une liasse de journaux et de magazines, il dissimulait un paquet enveloppé de papier d’emballage et ficelé, dont la dimension correspondait au portefeuille volé à Mac Allermy.

Patricia, qui, se dissimulant avec soin, observait l’arrivée, reconnut la silhouette de celui qu’on appelait « le Sauvage ». Elle s’attacha à ses pas.