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une surprise pour Patricia : n’en avait-elle pas été informée la première par téléphone et au moment où il était commis ? Il s’agissait du crime sur la personne de l’attorney Frédéric Fildes. Celui-ci, qui devait bientôt s’embarquer pour l’Europe, avait été assassiné chez lui, au cours de la soirée précédente, par un inconnu qui était venu le voir et qui l’avait frappé d’un coup de couteau au cœur — précisément comme avait été frappé le directeur de Allo-Police. Y a-t-il corrélation entre ces deux meurtres, se demandaient les journaux ? Les deux victimes se connaissaient bien et avaient des affaires communes. Une bande de gangsters aurait-elle résolu leur mort ? Les aurait-elle exécutés presque à la même heure ?

Mais chez Fildes un coffre-fort avait été forcé. Une somme de cinquante mille dollars avait été volée… Était-ce donc le simple crime crapuleux d’un isolé ?

Patricia, elle, savait à n’en pouvoir douter que la même main criminelle avait frappé les deux vieillards. Mais dans quel but précis ? Pour le compte de quelle puissance occulte ? Le Sauvage était-il un criminel de grande envergure, ou un simple instrument ? Elle voulait le savoir… Pour cela, un seul moyen…

Le lendemain du double crime, dans l’après-midi, Patricia fut convoquée par Henry Allermy dans le bureau directorial du journal de police dont, fils et héritier de James Mac Allermy, il avait pris possession.

Sans émotion apparente, la jeune femme répondit à cet appel. Henry Mac Allermy avait trente ans. Patricia, qui ne l’avait pas vu depuis plusieurs années, retrouva en lui, homme fait, les traits du jeune homme qu’elle avait autrefois connu. Mais toute passion était morte en elle comme en lui. Ils se parlèrent avec la réserve de deux étrangers.

« Mademoiselle, dit le jeune directeur, la dernière note écrite par mon père sur son registre particulier vous concerne :

« Patricia… un caractère, de l’énergie, le sens de l’organisation. Serait tout à fait à sa place comme sous-directrice. »

Sans regarder la jeune femme, il ajouta :

« Je tiendrai compte dans toute la mesure du possible de l’opinion de mon père sur vous… Toutefois, bien entendu, si cela s’accorde avec vos intentions… »