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vous envoyer Rodolphe et d’être sauvée par vous et par lui. Ensuite, une lettre me menaçant du meurtre de Rodolphe m’a contrainte de révéler d’autres secrets… Je tremblais pour lui, je tremblais pour vous. L’heure d’agir efficacement n’était pas venue… Que pouvais-je faire ? » acheva-t-elle avec angoisse.

De nouveau, Lupin lui prit la main.

« Tu as bien fait, Patricia, et je te demande pardon. Me pardonnes-tu, toi ?

— Non ! Vous m’avez trahie. Je ne veux plus vous revoir. Je pars pour l’Amérique la semaine prochaine.

— Quel jour ? demanda-t-il.

— Le samedi, ma place est retenue sur le Bonaparte. »

Il sourit.

« La mienne aussi. C’est aujourd’hui vendredi. Nous avons huit jours. Je cours après les camions avec mes quatre hommes. Je les rattrape. Je les ramène à Paris, puis en Normandie, où j’ai des cachettes sûres. Et vendredi soir, je suis au Havre. Nous naviguerons de conserve, dans des cabines jumelées. »

Elle fut sans force pour protester. Il lui baisa la main, et la quitta.

Angelmann, qui titubait d’émotion, le rejoignit avant qu’il n’eût atteint la porte.

« Alors, c’est pour moi la ruine, balbutia l’infortuné banquier. Qu’est-ce que je vais devenir, à mon âge ?

— Bah, tu as de l’argent garé…

— Non ! Je le jure !

— La dot de ta femme ?

— Je l’ai envoyée avec le reste.

— Dans quel camion est-elle ?

— Camion numéro 14.

— Le camion no 14 sera ramené ici demain et remis directement à Mme Angelmann, avec mon cadeau personnel… et n’aie pas peur, je sais faire les choses en gentilhomme.

— Tu es mon ami, Horace ! Je n’ai jamais douté de toi ! dit Angelmann en lui pressant les mains avec reconnaissance.