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ment. Fermez les grilles et priez Dieu pour le repos de vos âmes, tas de chenapans ! »

Il s’était agenouillé. Il ne pouvait plus se soutenir. Il luttait de toute son énergie indomptable contre l’évanouissement.

Patricia se pencha, l’entoura de ses bras… Et elle ne cessait de lancer le signal obsédant, l’appel impératif.

Lupin, dans un sursaut de volonté, domina sa faiblesse. Il ricana :

« Béchoux, tu me fais pitié. Fais donc venir l’armée… Toute l’armée… avec les tanks et les canons…

— Et toi ? Tu en as, une armée ?

— Moi !… J’appelle les poilus de la grande guerre. Debout les morts ! Debout toutes les puissances de la terre et de l’enfer ! »

Lupin semblait délirer. Patricia brusquement cessa de faire retentir son sifflet. Il n’en était plus besoin. Les clameurs d’épouvante gagnaient la salle comme des vagues déchaînées.

Le secours survint dans un galop furieux, secours étrange, formidable, imprévu pour les assaillants, soudain pris de anique.

« Saïda ! Saïda ! appela la jeune femme avec un élan de joie éperdue. Saïda ! Viens, Saïda ! »

Bondissante, la tigresse arrivait. Ahuris, les policiers, pris de panique, s’enfuirent, mais, devant l’obstacle de la grille, la bête eut une hésitation.

Les plaques de fer, formant volets, montaient aux trois quarts de la grille, offrant ainsi cependant une première étape, un relais en cas de besoin… Du reste, même sans cet appui, la grille ne pouvait-elle être franchie ? Un espace suffisant existait entre ses pointes et le plafond.

La tigresse dut comprendre que l’obstacle était franchissable, car, tout à coup, elle prit son élan, s’éleva comme un oiseau, rasa, sans s’y accrocher, la pointe extrême des lances aiguës et retomba souplement devant Patricia et Lupin.

Cependant, Béchoux avait rallié ses hommes, les ramenait à la grille.

« Tirez donc, nom de D… ! hurla-t-il.

— Tirez vous-même, riposta la voix d’un garde mobile.

— Il a raison, ton acolyte, dit Arsène Lupin, tire le premier, Béchoux ! Mais je t’avertis que Saïda sait fort bien qui tire et qui la blesse, et que si tu as le culot de tendre le bras et de la viser, tu peux te considérer comme boulotté, mon