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— Si, moi… »

Il n’avait pas achevé que, de la foule, partit un coup de feu. Lupin fut touché à la cuisse. Il chancela, tomba, mais se releva. Pourtant, il dut s’appuyer au mur.

« Lâches que vous êtes ! cria-t-il. Mais je ne crains pas vos attaques anonymes ! Je ne céderai pas. Le premier qui essaie de passer dans ce souterrain, je l’abats. Si un coup de feu part encore, je riposte ! À qui la première balle ? À toi, Maffiano ? »

Il les menaçait de ses armes. Encore une fois, tous reculèrent. Le jeune homme pâle intervint.

« Arsène Lupin, dit-il, en haussant la voix, je vous ai proposé une transaction, tout à l’heure. Acceptez-la. Personne ne doute de votre courage. Mais la tâche est au-dessus de vos forces. Votre fortune est là. Elle nous appartient. Nous n’avons qu’à la prendre, sans qu’il vous soit possible de vous y opposer. Que vous importe de la garder tout entière ? Elle est si considérable que le tout vous est inutile. Acceptez un partage raisonnable. Cent millions pour nous. Il vous en restera des centaines pour vous. »

Des rumeurs de protestation s’élevèrent. Personne ne voulait consentir à un pareil sacrifice. L’énorme fortune qu’ils n’avaient qu’à prendre, croyaient-ils, les affolait.

Lupin répondit :

« Vos amis et moi, Robespierrot, nous sommes d’accord. Ils veulent tout et moi aussi.

— Tu aimes mieux mourir ? s’écria, théâtral, le pseudo-conventionnel.

— Oui ! Cent fois oui ! Lupin, vaincu, n’est plus Lupin.

— Mais tu es vaincu, Lupin.

— Non, puisque je suis vivant… Et maintenant attention, camarades ! Il fit un geste, et les plus proches, pour gagner le large, bousculèrent leurs acolytes tassés derrière eux. Mais Lupin avait en une seconde glissé entre deux boutons de son veston un de ses revolvers. Tenant toujours l’autre arme braquée sur ses adversaires, il porta sa main libre à sa bouche et, appuyant deux doigts sur sa langue, avec une maîtrise que lui eût enviée le plus expert voyou des rues, il lança un coup de sifflet strident, dont la violence, dans cet espace restreint, fit mal aux oreilles.

Tous les cris, les menaces, les imprécations cessèrent. Le silence s’établit dans une attente anxieuse…