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bien entendu, tellement cette demande, que rien ne lui avait fait prévoir, était inattendue, touchante aussi par sa soudaineté maladroite et sincère. Elle en concevait une telle émotion, une telle fierté que, sans pouvoir retenir ses larmes, elle se jeta dans les bras du vieillard.

« Merci !… Oh, merci !… Cela me réhabilite à mes yeux ! Mais comment accepterai-je, monsieur ? Votre fils est entre nous », acheva-t-elle en détournant les yeux.

Il fronça le sourcil.

« Mon fils a fait sa vie selon son bon plaisir, je veux faire la mienne selon mon cœur. »

Rougissante, elle chuchota avec une gêne affreuse :

« Il y a autre chose que vous ignorez, je le vois, monsieur Allermy. J’ai un enfant… »

Il sursauta.

« Un enfant !

— Oui ! Un enfant d’Henri, un fils que j’adore, un fils auquel je me suis juré de consacrer toute ma vie. Il se nomme Rodolphe… il est beau comme l’amour… Il est affectueux, intelligent… »

Le vieillard dominait sa surprise. Il s’exalta :

« N’est-il pas de mon sang ? N’est-ce pas naturel que le fils de mon fils soit mon fils ?

— Non, ce n’est pas naturel », intervint Frédéric Fildes, calme, bien qu’il fût ému sans pouvoir s’en défendre.

Allermy se retourna vers lui, sombre :

« Alors, selon vous, Fildes, je devrais renoncer ?…

— Renoncer… je ne dis pas cela… Mais réfléchir, examiner avec pondération et sagesse une situation anormale… une situation qui, sans doute, sera connue de tous… et interprétée comme un acte de faiblesse et d’immoralité de votre part. »

Mac Allermy réfléchit un moment.

« Soit, dit-il enfin à contre-cœur, laissons faire le temps. Il travaille toujours pour ceux qui aiment. En tout cas, Patricia, ajouta-t-il, rien de tout ceci ne doit influer sur notre existence et sur notre collaboration quotidienne, nous sommes bien d’accord, n’est-ce pas ? »

La jeune femme vit l’émoi du vieil homme tremblant à l’idée de la perdre et, de nouveau, fut touchée.

« Tout à fait, monsieur Allermy », répondit-elle.

Le directeur de Allo-Police ouvrit un tiroir, y prit une enveloppe qu’il cacheta et sur laquelle il écrivit le nom de la jeune femme et lui dit :

« Il y a dans cette enveloppe un document que j’ai écrit à votre intention. Vous n’en prendrez connaissance que dans six mois, le cinq septembre, et vous obéirez exactement aux instructions qui s’y trouvent et que, d’ores et déjà, je vous remets. Portez-la toujours sur vous, cette enveloppe, ou mettez-la en lieu sûr. Et que personne ne le sache ! Personne !… »