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forêt, et il l’entendit grogner de colère. Puis il y eut encore un rugissement, puis des craquements sourds d’os broyés.

Horace frissonna d’horreur. La bête avait-elle vraiment surpris Patricia sous la tente, et était-ce vers son corps déchiqueté qu’elle était retournée ? Si cela était, il aurait beau exposer sa vie… la morte ne pouvait plus être secourue.

Impuissant, malade d’émoi, rongé d’angoisse, il attendit deux heures avant de descendre de son arbre. Attente interminable et si cruelle que soudain il n’eut plus la force de la supporter. Au mépris du danger, il se laissa glisser de branche en branche et, son revolver à la main, s’enfonça dans le taillis.

Il eut même l’audace de gagner la lisière plus dense de la forêt qu’il explora. Mais il ne trouva rien, malgré ses investigations. Des vols de corbeaux s’abattaient dans les clairières et devant lui couraient et s’enfuyaient tous les petits fauves des bois. Mais de la tigresse nulle trace.

Il chercha longtemps, en vain, las et désespéré, harcelé par les moustiques, accablé par la chaleur immobile et oppressante, accrue vers la fin du jour par une menace d’orage.

Épuisé, enfin, il regagna Maison-Rouge comme les premiers éclairs déchiraient l’horizon, suivis de la voix solennelle de la foudre.

Il ne dîna pas. Les nerfs un peu calmés par le ruissellement de la pluie, il s’étendit sur son lit. Mais ce fut inutilement qu’il essaya de dormir. Son cerveau enfiévré évoquait chaque instant de la nuit où il avait tenu dans ses bras sa bien-aimée Patricia. Il imaginait ce qui s’était produit durant son sommeil. L’assassin se glissant dans l’ombre, à tâtons, son poignard à la main et frappant Patricia sans soupçonner sa présence, à lui, Horace Velmont… Et peut-être Patricia avait-elle eu ce suprême courage de ne pas faire un geste qui pût détourner vers lui le danger… Elle l’avait sauvé en mourant… Comme elle l’avait aimé !

Mais il y avait autre chose… La situation était trouble, inexplicable. Que signifiait ce coup de sifflet, cet appel évident lancé par Patricia ? Pour appeler, il fallait qu’elle fût vivante… Horace espérait… Oui, il y avait vraiment là des éléments incompréhensibles qui permettaient un certain espoir…

L’orage redoublait et, dans le fracas des coups de tonnerre qui ébranlaient l’espace, tout à coup