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« J’ai peur… J’ai peur pour vous… Je suis à bout de forces, » ajouta-t-elle.

Il la saisit dans ses bras, lui baisa les lèvres…

Elle ne résista pas…



Chapitre VII

La Belle au bois dormant


La lune en son plein répandait dans une nuit molle et tiède sa calme lumière pure et comme phosphorescente. Au silence de la campagne sommeillante se mêlaient mille bruits furtifs, mille frémissements de vie montant de la terre, s’envolant des arbres où de temps à autre passait dans les branches le vol ouaté d’un oiseau nocturne. Le chuchotement d’une lointaine chute d’eau égrenait son harmonie cristalline.

La nuit sereine berçait le repos des deux amants étendus côte à côte sous la tente. Parfois, Horace, dans un demi-sommeil, étendait la main et touchait le bras de sa compagne immobile afin de s’assurer qu’elle était bien là, qu’il ne rêvait pas, car les circonstances lui paraissaient si étranges qu’il doutait de leur réalité.

Enfin, ce fut l’aube, les premiers rayons du soleil brillèrent entre les interstices des vélums. Horace se dressa à demi et, une fois de plus, posa la main sur une main abandonnée près de lui… Mais il sursauta, frémissant, effaré… la main qu’il touchait était froide, très froide… glacée…

Horace se pencha épouvanté vers la forme gisant immobile sur la couche… à la faible clarté traînant sous la tente, il vit que le visage était recouvert d’un voile de gaze légère et que, dans la poitrine à demi nue, sous le sein gauche, un poignard était planté… Crispé par l’horreur, il se pencha davantage, colla son oreille sur la peau glacée… On n’entendait plus les battements du cœur.

Ainsi, comme on passe de la veille au sommeil, avait-elle passé de la vie à la mort… une mort si foudroyante que la blessure fatale ne l’avait qu’à peine fait tressaillir dans les bras de son amant, qui ne s’en était pas aperçu.