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Patricia, dans son embarcation, avait suivi toute la scène et s’amusait infiniment.

Elle aborda près de Velmont qui, la prenant par la taille, l’entraîna vers la route la plus proche, tandis que les trois complices prenaient pied au bas de la berge.

Et Velmont s’exclama triomphant :

« J’ai conquis ma Toison d’or, la belle Patricia ! Tout va bien. L’ennemi a mordu la poussière dans le lit du fleuve ! Suis-moi dans le mien, esclave incomparable, dont je suis le serviteur soumis ! Un peu mouillé, le serviteur, mais la flamme de l’amour le séchera ! »

Une charrette conduite par un paysan passait, chargée de foin. Velmont y jucha la jeune femme et s’assit près d’elle, tout en continuant de pérorer.

« Deux cartes, Patricia, quel butin !

— Que vous importe, puisque, s’ils réussissent, l’argent ne sera pas pour vous !

— Qui sait si je ne trouverai pas moyen de détourner dans ma poche le Pactole qui coulera ce jour-là et qui, du reste, viendra de ladite poche, ce qui fait que ce sera un prêté pour un rendu ! »

Sur la charrette, au pas philosophique d’un vieux cheval qui avançait comme s’il accomplissait le dernier voyage de sa carrière, ils firent un assez long détour.

« On arrivera tout de même à la Maison-Rouge, affirma le paysan, mais c’est à la ferme que je dois emmener mon foin !

— Ah ! dit Horace, vous travaillez à la ferme de la Maison-Rouge ?

— Oui. Aujourd’hui, on engrange le foin.

— Vous entendez, Patricia ? Eh bien, ça c’est le rêve ! Une grange, des prairies, du foin que l’on rentre, toutes les joies bucoliques !… Ça et la tranquillité !… Comme nous serions heureux !

— Je me méfie, dit-elle, souriant à demi.

— Et de quoi vous méfiez-vous, s’il vous plaît ?

— De votre inconstance ! On sait que vous passez facilement de la brune à la blonde !

— Depuis que je vous connais, incomparable Patricia, l’or et le bronze de vos cheveux ont fixé à jamais mon admiration ! Du reste, seriez-vous blanche, cela ne changerait rien… Une Patricia couronnée d’argent ! Quel rêve !

— Merci ! En tout cas, tenez-vous sur vos gardes, répondit la jeune femme en riant. Je suis ombrageuse et exclusive. Je n’admets pas l’appa-