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marquer sa soumission. Étrange et pervers calcul qui me poussait à différer l’étreinte comme si chaque minute d’attente ajoutait une promesse à l’extase définitive ! N’était-ce pas aussi sa souffrance qui me plaisait ? Car elle souffrait, la pauvre chère, elle souffrait misérablement. En vérité, jamais être ne fut comme elle la chose d’autrui. De continuelles sensations de créateur m’exaltaient. Oui, je la créais indéfiniment.

Or, un jour, une femme vint chez moi voilée. J’allai vers elle : « Odette, Odette… »

Ce n’était point Odette, et c’était elle pourtant, moins jeune, moins fraiche, plus mystérieusement belle. Une insurmontable angoisse m’oppressa. Pourquoi ?

La femme dit : « Je suis sa mère. »

La voix n’était point agressive, mais décidée. Elle venait avec la certitude de vaincre. J’en eus d’ailleurs l’intuition. Mais comment aurait-elle raison de moi ?

Elle s’assit à mes côtés et prononça :

— J’étais en voyage, j’ai deviné d’après les lettres d’Odette que quelque chose d’anormal se passait… je suis revenue, elle m’a tout avoué… il faut en finir…