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tre semaines fixées. À son retour, il trouva Mathilde étendue. Elle sortait à peine d’une longue maladie qu’elle avait réussi à lui cacher dans ses lettres.

Elle sourit, l’air heureux et triste. Il eut l’intuition qu’un événement considérable s’était produit.

Ils causèrent longtemps, les mains entrelacées et les yeux confondus. Et des frémissements obscurs de désir passaient de l’un à l’autre comme des souffles d’orage qui se heurtent. Et, peu à peu, il se pencha sur elle ; et, comme la première fois, et comme toutes les autres fois, de ses doigts toujours tremblants, il entr’ouvrit son corsage, écarta les batistes et la dénuda. Mais, cette fois — par quel prodige, il ne s’en rendit pas compte — il n’eut aucune hésitation, l’élan de son désir ne s’interrompit point, nul embarras ne troubla sa caresse. Elle s’offrit à lui en toute confiance, il la prit en toute ardeur. Et ce fut une étreinte profonde, totale, absolue.

— Oh ! Mathilde chérie, s’écria Pierre, je viens de t’avoir enfin, je te possède, tu es à moi, à moi !

Elle se dressa devant lui, et sa voix eut un accent de détresse infinie.

— Regarde, Pierre.

Il regarda. Le corps n’était pas parfait, Il y avait sous les seins une ligne d’ombre légère. Il y avait des creux aux épaules. Les bras et les jambes s’allongeaient, un peu amaigris.

Un soupçon atroce effleura Pierre.

— Mathilde, c’est toi qui as voulu cela… tu t’es rendue malade, exprès… des imprudences… j’en suis sûr…

Elle n’eut pas la force de protester. Un long silence les unit. Puis il la coucha sur ses genoux :