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Georges, à leur grand avenir de bonheur et d’amour. Était-il possible de renoncer à tout cela ? Elle attendit quelques secondes encore dans l’espoir fou d’un secours suprême, d’un miracle. Mais il tendait déjà vers elle ses doigts meurtriers. Alors, sans un mot, en un effort surhumain de résignation, elle s’étendit sur le lit.

L’homme se rua d’un bond. Gertrude colla contre ses yeux ses poings fermés, et elle ne fut plus, entre les mains irrésistibles, qu’une chose inerte et froide. Elle le sentit qui s’acharnait après les étoffes. Elle le sentit qui regardait la merveilleuse poitrine dont nul encore n’avait même deviné la blancheur. De honte, elle s’évanouit.


Des heures sonnèrent au loin. Quand elle revint à elle, la chambre était vide. Par la fenêtre ouverte, la nuit versait son ombre tiède. Elle entendit le trot d’un cheval, des portes s’ouvrir, son père rentrer. Puis, les choses retombèrent au silence, à la mort, et il lui sembla qu’elle-même faisait partie. de ce silence et de cette mort, et que son cerveau ne pensait plus, et que sa chair ne vivait plus.

Soudain elle s’aperçut qu’elle était baignée de larmes, et que ces larmes coulaient indéfiniment. Cependant elle n’avait point