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Geoffroy le soignait avec une tendresse maternelle et, sans jamais lui parler du passé, le consolait silencieusement par ses câlineries douces. Souvent, aux heures obscures, il lui prenait la tête entre ses mains et l’appuyait contre son épaule. L’autre se laissait faire comme un enfant. Leurs larmes coulaient, Tristan murmurait :

— Je suis bien, il n’y a qu’ici, entre tes bras, que je sois bien.

Un jour, après douze ans de cette existence, alors que peu à peu l’oubli descendait en lui, il tomba de cheval et se tua.

Au bord de la tombe, Geoffroy se mit à genoux, et il resta longtemps avec le mort. Il se tordait les mains, il embrassait la terre et la mouillait de ses pleurs. Il ne partit qu’après l’arrivée du chien favori de Tristan, un vieux chien qui venait prendre place pour mourir. Alors, le dos voûté, la marche lente, il revint vers sa demeure.

Au seuil, il appela son domestique, serviteur fidèle qui l’avait élevé. Il lui dit :

— Donne-moi la clef.

Ayant pris la clef, il traversa des pièces, suivit des corridors, et gravit l’étroit escalier qui tournait à l’intérieur de la tour. Le bruit de ses pas retentissait comme au creux d’une grotte. Des trous creusaient le mur, pareils à des souterrains au bout desquels éclatait la lumière du jour, Une porte massive l’arrêta. Il l’ouvrit.

Il entra dans une grande pièce ronde où luisait la fente d’une fenêtre unique. Sans force, il tomba sur une chaise et se mit à sangloter.

Alors, Geneviève l’entoura de ses bras et lui dit :