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Un jour, Adrienne se montra plus fantasque et plus inquiétante encore qu’à l’ordinaire ; sans doute, comme toutes les femmes, elle aime les larmes de celui qui les aime, car elle m’en fit verser d’abondantes. Et le soir, au cercle, cela se passa tout naturellement ; modifiant certaines circonstances extérieures, de manière à ce qu’il ne pût avoir aucun soupçon, j’avouai mon amour à Gaston.

Je le répète, il n’y eut de ma part aucune ironie. Je fus d’une entière bonne foi. Malheureux, je cherchais un apaisement à ma peine.

Incertain, je cherchais un guide pour me conduire. Et à quel conseiller pouvais-je m’en remettre, qui fût plus avisé et plus clairvoyant que Gaston ? Il s’intéressa gentiment à mon cas, me demanda tous les renseignements nécessaires, réfléchit, et conclut :

— À votre place, voici ce que je ferais.

Je n’hésitai pas, je fis ce qu’il me dit de faire. Et l’événement prouva qu’en cette occasion particulière, je ne pouvais mieux agir que selon son conseil, puisque, aussitôt, Adrienne s’adoucit et que nos rapports se détendirent.

Je n’aurais pas aimé, je n’aurais pas été cet être tremblant, faible et tenace qu’est un amoureux maltraité, si cette expérience ne m’avait point rejeté vers Gaston à la première lubie de sa femme. Une seconde fois, il me donna son avis, une seconde fois, je m’en trouvai bien. D’autres difficultés se présentèrent, dont il me tira de la même façon.