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monde, toi la vierge naïve que j’ai dupée et sacrifiée à mon égoïsme d’infirme et de paria.

Il se pencha vers son oreille. Ils entendirent le battement effaré de leur cœur. Et, tout bas, honteusement, il lui révéla le mystère de la vie.

Il y eut un lourd silence où frémit l’angoisse des deux êtres. Jeanne restait impassible, la figure blême. Il balbutia :

— Je t’aimais trop, je n’avais jamais aimé, j’étais seul… alors le courage m’a manqué pour te fuir… Je me suis dit : « Cela durera un an… deux ans… et un jour je me confesserai ; ou bien elle devinera… » Et puis le temps passait. Chaque année, rappelle-toi, je t’offrais de changer d’existence. Entourée de gens, tu aurais appris… mais tu refusais… quels remords !… ta vie s’en allait, inutile… j’aurais voulu vieillir pour nous deux, et t’arrêter en pleine jeunesse… À la fin, je souffrais trop… j’ai parlé…