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La Jeune fille



Le gros bourg où Ludovic devait passer les vacances jouissait de deux rues pavées, ce qui lui permettait de prétendre au titre de petite ville, et ce qui autorisait les habitants à dire que Mme Colleret, la tante de Ludovic, tenait le haut du pavé.

Cette situation enviable, Mme Colleret la partageait depuis quelques mois avec Mme Doucereux, une veuve fort bien, récemment installée dans le pays et dont on vantait la distinction. Aussi, pour honorer le jeune rhétoricien, sa tante invita-t-elle le lendemain même Mme Doucereux. Ludovic, garçon timide et d’allures gauches, ne souffla mot pendant le repas. La veuve parla beaucoup. Elle avait quarante-cinq ans, une figure encore fraiche et un noble embonpoint. Son double menton se reliait par de jolis plis de graisse à une poitrine sympathique, et des fossettes agrémentaient ses joues et ses mains potelées.


Au dessert, Mme Doucereux s’aperçut que