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je compris mieux les divers sentiments qui m’avaient porté à l’indulgence, presque à l’approbation, depuis la rupture de nos fiançailles.

— Vous avez eu raison, Christine. Si nous connaissions toujours notre vraie nature, et si nous y obéissions, quelle. qu’elle soit, nous aurions les plus grandes chances d’être heureux. Vous avez deviné et écouté la vôtre, et de là vient votre satisfaction. Certaines femmes sont faites pour le mariage, pour la maternité ; d’autres pour se dévouer, d’autres, et vous en êtes, pour l’amour. Celles-là doivent aimer et se donner.

— Et leur part est la meilleure, dit-elle. C’est si bon de se donner, c’est si bon d’être belle, bonne, forte, saine, et de s’offrir tout simplement ! Que de fois j’ai senti à la joie des hommes qu’il n’y a pas au monde quelque chose de plus précieux qu’un corps de femme. Le mien était beau et ardent, mon devoir n’était-il pas d’en tirer de la joie pour le plus grand nombre d’hommes ?

— Et maintenant, lui demandai-je ?

— Maintenant, il est vieux, il est mort, il ne compte plus. Je n’ai plus qu’à vivre et à me souvenir. Il me reste mon humeur égale, beaucoup de gaieté, beaucoup de bonté. Cette fin d’existence, cette vieillesse, voulez-vous que nous la passions ensemble ?