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Berthe et Machy se regardèrent. Un trouble infini les envahissait comme s’ils eussent eux-mêmes échangé ces serments. Ce fut leur déclaration d’amour que les petits avaient murmurée pour eux. Ils baissèrent la tête et se turent.

Les journées suivantes, leur liaison se fortifia. Maintenant Paul et Juliette, enfreignant la consigne, se réfugiaient dans les allées solitaires. Et les parents se croyaient seuls, eux aussi, séparés du monde, libres de tout devoir et de toute entrave.

Et très naturellement, sans émotion presque, une après-midi, ils chargèrent le gardien de surveiller les enfants et ils coururent vers un hôtel meublé.

L’étreinte fut monotone. Ils éprouvèrent une grande déception.

On se retrouva le lendemain. Berthe, la voix brisée, les joues pâles, gémit :

— Ce que nous avons fait est abominable. Il ne faut plus nous voir.

Machy accepta l’arrêt sans protester. Il paraissait horriblement triste. À la fin il balbutia :

— Ce n’est pas notre faute… nous sommes d’honnêtes gens… nous ne pensions pas à mal… mais l’exemple des enfants nous a détraqués… c’est leur faute à eux. Ils nous ont appris ce que leur instinct leur apprenait, et que nous ne savions pas, nous… Et puis, nous avons voulu tout savoir… C’est bien leur faute, voyez-vous… c’est bien leur faute.

MAURICE LEBLANC
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