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Enfin il articula :

— Votre fille est bien charmante. Comment s’appelle-t-elle ?

Berthe répondit :

— Juliette.

— Et mon garçon, Paul, reprit-il.

Ils applaudirent à ces noms, puis gardèrent un long silence. Cela devint si gênant que Machy éprouva soudain le besoin impérieux de parler. Et il expliqua sa vie :

— Je suis professeur…

— Ah ! fit-elle, je m’en doutais !

— … professeur d’écriture, continua-t-il, ma femme est couturière, je donne mes leçons le matin, et l’après-midi je me charge de l’enfant.

Elle riposta par une même expansion :

— Moi, mon mari est comptable. Nous ne sommes pas riches, je n’ai pas de bonne, et il faut encore que je sorte la petite.

Ils se regardèrent. Ils avaient tous deux une figure triste et un aspect convenable. Se connaissant, ils n’eurent plus rien à se dire.

Le lendemain les ramena, et les jours suivants également. Ils s’asseyaient l’un près de l’autre, et comme ils étaient timides et peu loquaces, ils prononçaient de rares paroles.

D’ailleurs, les deux enfants les occupaient beaucoup. Les petits s’entendaient à merveille. Très vite las des jeux bruyants, ils se promenaient dans les allées les plus désertes. La séparation quotidienne les affectait vivement. Chez eux, ils ne pensaient qu’au plaisir de se revoir. Et dès l’arrivée au jardin, ils se jetaient dans les bras l’un de l’autre.