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Mais un homme l’aima. Sa voix, à lui, elle la sentit grave et sincère. Il l’invoquait comme une idole. Il chantait ses litanies. En vérité, l’amour de l’époux n’avait point cette fougue.

La fuite leur parut le dénouement indispensable.

— Je suis pauvre, avoua-t-il, je travaillerai… Toi, il te faut du luxe, emporte tes bijoux et ton or.

La Laide écouta celui qui la trouvait si belle. Ils s’en allèrent.

L’ayant conduite dans le pays voisin, il jeta le masque et s’exprima brutalement :

— Vois-tu, tu es trop vilaine, cela m’agrée de te le dire une bonne fois. Adieu.

Il partit avec le coffret chargé de pierres précieuses.

Et la Laide resta seule.

Ce fut la misère. Elle ne se découragea point. N’avait-elle pas une suprême ressource, sa Beauté ? L’exemple des courtisanes célèbres et l’intérêt qu’on leur consacre, d’avance l’absolvaient. Puis la faim donne de mauvais conseils. Elle s’offrit.

Les hommes ricanèrent :

— Tu te moques de nous ! Nos péchés ne sont pas si grands qu’il nous faille accepter une telle pénitence ! Oh ! l’abominable créature !

Furieuse, elle courut à son miroir. Elle