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Comme gage, elle lui tendit la main. Il la saisit anxieusement :

— Vrai… vous consentez ?

Il tremblait. Ses yeux se mouillèrent de larmes. Elle s’attendrit :

— Pourquoi frissonnez-vous ? Pourquoi pleurez-vous ?

Il murmura :

— C’est que je vous aime.

Et il lui fit, en phrases hésitantes et d’une voix douce, des aveux qui la ravirent. Et elle écoutait aussi la chanson de l’oiseau, respirait le parfum des fleurs, admirait les larges plaines onduleuses. Et le charme de toutes ces choses se révéla pour la première fois à ses sens troublés.

Il l’aimait en effet, et elle lui semblait belle.

Son passé ne lui permettant pas de la mettre en concurrence avec des rivales, il la dota de tout ce qu’on exige d’une femme, la grâce, l’élégance, l’harmonie des formes et des gestes.

Le mariage se fit. Des ans défilèrent. Il la chérissait également. L’âge aurait pu la rider et les maladies la flétrir, rien ne pouvait modifier en lui l’aveuglement initial. Il la voyait, il devait la voir éternellement, comme au début, à travers ses illusions.

Mais elle, changea. Ses idées s’adaptaient aux nouvelles conditions de sa vie. Métamorphose légitime ! L’époux, avide de sa présence, rompait à tout instant sa laborieuse solitude pour venir auprès d’elle. Était-ce orgueil vulgaire, celui